Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leuvres, le tigre aveuglé par la rage qui le consume, et tous les reptiles venimeux qui courent sur le sable brûlant des rivages de l’Atlas, n’auraient pu voir, ni s’imaginer, sans en avoir le cœur attendri, Angélique liée à l’écueil nu.

Oh ! si son Roland l’avait su, lui qui était allé à Paris pour la retrouver ! S’ils l’avaient su, les deux chevaliers que trompa le rusé vieillard, grâce au messager venu des rives infernales ! A travers mille morts, pour lui porter secours, ils auraient cherché ses traces angéliques. Mais que feraient-ils, même s’ils le savaient, étant si loin !

Cependant Paris, assiégé par le fameux fils du roi Trojan, était arrivé à une extrémité si grande, qu’un jour il faillit tomber aux mains de l’ennemi. Et si le ciel, touché par les prières des assiégés, n’avait pas inondé la plaine d’une pluie épaisse, le saint Empire et le grand nom de France succombaient ce jour-là sous la lance africaine.

Le souverain Créateur abaissa ses regards à la juste plainte du vieux Charles, et, par une pluie soudaine, il éteignit l’incendie qu’aucune force humaine n’aurait pu, ni su conjurer sans doute. Sage est celui qui se tourne toujours vers Dieu, car personne ne peut mieux lui venir en aide. Le pieux roi vit bien qu’il devait son salut à l’assistance divine.

La nuit, Roland confie à sa couche solitaire ses tumultueuses pensées. Il les porte tantôt ici, tantôt là, ou bien il les rassemble sur un seul point, sans pouvoir les fixer jamais. Ainsi la lumière trem-