Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/188

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de la Provence à la Bretagne, et de la Picardie aux frontières d’Espagne.

Ce fut entre la fin d’octobre et le commencement de novembre, dans la saison où les arbres voient tomber leur robe feuillue jusqu’à ce que leurs branches restent entièrement nues, et où les oiseaux vont par bandes nombreuses, que Roland entreprit son amoureuse recherche. Et de tout l’hiver il ne l’abandonna point, non plus qu’au retour de la saison nouvelle.

Passant un jour, selon qu’il en avait coutume, d’un pays dans un autre, il arriva sur les bords d’ un fleuve qui sépare les Normands des Bretons, et va se jeter dans la mer voisine. Ce fleuve était alors tout débordé et couvert d’écume blanche par la fonte des neiges et la pluie des montagnes, et l’impétuosité des eaux avait rompu et emporté le pont, de sorte qu’on ne pouvait plus passer.

Le paladin cherche des yeux d’un côté et d’autre le long des rives, pour voir, puisqu’il n’est ni poisson ni oiseau, comment il pourra mettre le pied sur l’autre bord. Et voici qu’il voit venir à lui un bateau, à la poupe duquel une damoiselle est assise. Il lui fait signe de venir à lui, mais elle ne laisse point arriver la barque jusqu’à terre.

Elle ne touche point terre de la proue, car elle craint qu’on ne monte contre son gré dans la barque. Roland la prie de le prendre avec elle et de le déposer de l’autre côté du fleuve. Et elle à lui : « Aucun chevalier ne passe par ici, sans avoir donné sa foi de livrer, à ma requête, la