Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cœur tremblant comme la feuille ait fait trembler aussi son bras et sa main ; soit enfin que la bonté divine n’ait pas voulu que son fidèle champion fût si tôt abattu, le coup vint frapper le ventre du destrier et l’étendit par terre, d’où il ne se releva plus jamais.

Le cheval et le cavalier tombent à terre, le premier lourdement, le second en la touchant à peine, car il se relève si adroitement et si légèrement, que sa force et son haleine en semblent accrues. Comme Antée, le Libyen, qui se relevait plus vigoureux après avoir touché le sol, tel se relève Roland, et sa force paraît avoir doublé en touchant la terre.

Que celui qui a vu tomber du ciel le feu que Jupiter lance avec un bruit si horrible, et qui l’a vu pénétrer dans un lieu où sont renfermés le soufre et le salpêtre, alors que le ciel et la terre semblent en feu, que les murs éclatent et que les marbres pesants et les rochers volent jusqu’aux étoiles,

Se représente le paladin après qu’il se fut relevé de terre. Il se redresse avec un air si terrible, si effrayant et si horrible à la fois, qu’il aurait fait trembler Mars dans les cieux. Le roi frison, saisi d’épouvante, tourne bride en arrière pour fuir. Mais Roland l’atteint plus vite qu’une flèche n’est chassée de l’arc.

Et ce qu’il n’avait pas pu faire auparavant à cheval, il le fera à pied. Il le suit si rapidement, que celui qui ne l’a pas vu ne voudrait point le croire. Il le rejoint après un court chemin ; il