Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/212

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Je ne vous défends pas pour cela — j’aurais tort — de vous laisser aimer, car, sans amant, vous seriez comme la vigne inculte au milieu d’un jardin, sans tuteur ou sans arbre auquel elle puisse s’appuyer. Je vous engage seulement à fuir la jeunesse volage et inconstante, et à cueillir des fruits qui ne soient pas verts et âcres, sans les choisir cependant trop mûrs.

Je vous ai dit plus haut qu’on avait trouvé parmi les prisonniers une fille du roi de Frise, et que Birène parlait, toutes les fois qu’il en avait l’occasion, de la donner pour femme à son frère. Mais, à dire le vrai, il en était lui-même affriandé, car c’était un morceau délicat ; et il eût considéré comme une sottise de se l’enlever de la bouche, pour le donner à un autre.

La damoiselle n’avait pas encore dépassé quatorze ans ; elle était belle et fraîche comme une rose qui vient de sortir du bouton et s’épanouit au soleil levant. Non seulement Birène s’en amouracha, mais on ne vit jamais un feu pareil consumer les moissons mûres sur lesquelles des mains envieuses et ennemies ont porté la flamme,

Aussi vite qu’il en fut embrasé, brûlé jusqu’aux moelles, du jour où il la vit, pleurant son père mort et son beau visage tout inondé de pleurs. Et comme l’eau froide tempère celle qui bouillait auparavant sur le feu, ainsi l’ardeur qu’avait allumée Olympie, vaincue par une ardeur nouvelle, fut éteinte en lui.

Et il se sentit tellement rassasié, ou pour mieux