Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/213

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dire tellement fatigué d’elle, qu’il pouvait à peine la voir ; tandis que son appétit pour l’autre était tellement excité, qu’il en serait mort s’il avait trop tardé à l’assouvir. Pourtant, jusqu’à ce que fût arrivé le jour marqué par lui pour satisfaire son désir, il le maîtrisa de façon à paraître non pas aimer, mais adorer Olympie, et à vouloir seulement ce qui pouvait lui faire plaisir.

Et s’il caressait la jeune fille, — et il ne pouvait se tenir de la caresser plus qu’il n’aurait dû, — personne ne l’interprétait à mal, mais bien plutôt comme un témoignage de pitié et de bonté. Car relever celui que la Fortune a précipité dans l’abîme, et consoler le malheureux, n’a jamais été blâmé, mais a souvent passé pour un titre de gloire, surtout quand il s’agit d’une enfant, d’une innocente.

O souverain Dieu, comme les jugements humains sont parfois obscurcis par un nuage sombre ! Les procédés de Birène, impies et déshonnêtes, passèrent pour de la pitié et de la bonté. Déjà les mariniers avaient pris les rames en main, et, quittant le rivage sûr, emportaient joyeux vers la Zélande, à travers les étangs aux eaux salées, le duc et ses compagnons.

Déjà ils avaient laissé derrière eux et perdu de vue les rivages de la Hollande — car, afin de ne pas aborder en Frise, ils s’étaient tenus sur la gauche, du côté de l’Écosse — lorsqu’ils furent surpris par un coup de vent qui, pendant trois jours, les fit errer en pleine mer. Le troisième jour,