Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/235

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Le premier coup n’ayant rien valu, il se retourne pour faire mieux une seconde fois. L’orque, qui voit l’ombre des grandes ailes courir deçà, delà sur l’onde, laisse la proie certaine qui l’attend sur le rivage, et, furibonde, poursuit en vain cette nouvelle proie, derrière laquelle elle tourne et s’agite. Roger fond sur elle et lui porte de nombreux coups.

De même que l’aigle qui a coutume d’accourir du haut des airs dès qu’il a vu la couleuvre errant parmi l’herbe, ou étendue au soleil sur un rocher nu, où elle polit et fait reluire ses écailles jaunes, ne l’attaque pas du côté où la bête venimeuse siffle et se dresse, mais la saisit par le dos et bat des ailes afin qu’elle ne puisse pas se retourner et le mordre ;

Ainsi Roger, avec la lance et l’épée, ne frappe pas l’orque à l’endroit où son museau est armé de dents, mais il fait en sorte que chacun de ses coups tombe entre les oreilles, sur l’échine ou sur le queue. Si la bête se retourne, il change de place, et s’abaisse ou s’élève à temps. Mais, comme s’il frappait toujours sur du jaspe, il ne peut entamer l’écaille dure et solide.

C’est une semblable bataille que le moucheron hardi livre contre le dogue dans le poudreux mois d’août, ou bien dans le mois qui précède ou dans celui qui suit, alors que le premier voit fleurir la lavande et le second le vin doux couler à flots. Il plonge dans les yeux et dans la gueule mordante de son adversaire ; il vole autour de