Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/236

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lui, sans l’abandonner un instant, et celui-ci fait entendre entre ses dents aiguës un grognement répété ; mais s’il l’attrape, il fait d’un seul coup payer tout cela au moucheron.

L’orque bat si fortement la mer de sa queue, qu’elle fait rejaillir l’eau jusqu’au ciel, si bien que Roger ne sait plus si les ailes de son destrier se déploient dans les airs, ou bien s’il nage dans la mer. Par moments, il en est à désirer d’avoir à sa disposition un bateau. Si cette aspersion se prolonge, il craint que les ailes de l’hippogriffe ne se mouillent tellement qu’il ne puisse ou ne veuille plus s’en servir.

Il prend alors la nouvelle résolution — et ce fut le meilleur — de vaincre le monstre cruel avec d’autres armes, et de l’éblouir par la splendeur de l’écu magique. Il vole au rivage où la dame était liée au rocher nu, et, pour éviter toute surprise, il lui passe au petit doigt de la main l’anneau qui pouvait rendre vain l’enchantement.

Je parle de l’anneau que Bradamante avait arraché à Brunel pour délivrer Roger, puis qu’elle avait donné à Mélisse lorsque cette dernière partit pour l’Inde, afin de le tirer des mains de la méchante Alcine. Mélisse, comme je vous l’ai dit précédemment, après s’être servie de l’anneau pendant plusieurs jours, l’avait rendu à Roger, qui depuis l’avait toujours porté au doigt.

Il le donne alors à Angélique, parce qu’il craint qu’il ne détruise l’effet fulgurant de son écu, et qu’il ne peut se défendre des yeux de la belle qui