Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son esquif dans le port, afin de recouvrir de quelque vêtement celle qu’il avait délivrée de ses chaînes. Pendant qu’il s’en occupe, survient Obert, Obert le roi d’Hibernie, qui avait appris que le monstre marin gisait sur le rivage,

Et qu’un chevalier était allé à la nage lui placer dans la gueule une grosse ancre, et qu’il l’avait ainsi tiré sur le rivage, comme on tire un navire hors de l’eau. Obert, pour s’assurer qu’on lui a bien dit la vérité, est venu lui-même, pendant que ses gens livrent de tous côtés l’île d’Ëbude à la flamme et à la destruction.

Bien que Roland fût tout couvert de sang et de vase — je veux parler du sang dont il s’était teint quand il sortit de l’orque où il était entré — le roi d’Hibernie le reconnut pour le comte, d’autant plus qu’en apprenant la nouvelle, il avait bien pensé qu’un autre que Roland n’aurait pu donner une telle preuve de force et de valeur.

Il le connaissait, car il avait été infant d’honneur en France, et en était parti, l’année précédente, pour prendre la couronne que son père lui avait laissée en mourant. Il avait eu l’occasion de voir souvent Roland et de lui parler une infinité de fois. Il court l’embrasser et lui fait fête, après avoir ôté le casque qu’il avait sur la tête.

Roland ne montre pas moins de contentement à voir le roi, que le roi n’en montre à le voir lui-même. Après qu’ils eurent l’un et l’autre redoublé leurs embrassements, Roland raconta à Obert la trahison faite à la jeune femme, et comment le