Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/253

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envoya le jour même des corsaires qui la transportèrent dans l’île d’Ébude. Elle reconnaît Roland à son retour sur le rivage, mais à cause de sa nudité, elle tient la têle baissée, et non seulement elle ne lui parle pas, mais elle n’ose pas lever les yeux sur lui.

Roland lui demande quel sort inique l’a conduite dans l’île, alors qu’il l’avait laissée avec son époux aussi heureuse qu’on peut l’être, « Je ne sais — dit-elle — si j’ai à vous rendre grâce de m’avoir soustraite à la mort, ou si je dois me plaindre de ce que vous soyez cause que mes misères n’aient point été terminées aujourd’hui.

« Je dois, il est vrai, vous savoir gré de m’avoir soustraite à une sorte de mort trop horrible. Il eût été trop affreux d’être engloutie dans le ventre de cette brute, mais je ne puis vous remercier de m’avoir empêchée de périr, car la mort seule peut terminer ma misère. Je vous serai reconnaissante, au contraire, si je me vois, par vous, donner cette mort qui peut m’arracher à tous mes maux. »

Puis, au milieu d’abondantes larmes, elle poursuivit, disant comment son époux l’avait trahie, et comment il l’avait laissée endormie dans l’île, où elle fut ensuite enlevée par les corsaires. Et, pendant qu’elle parlait, elle se détournait, dans l’attitude où l’on voit, sculptée ou peinte, Diane au bain, alors qu’elle jette de l’eau au visage d’Actéon.

Autant qu’elle peut, elle cache sa poitrine et son ventre, moins soucieuse de laisser voir les flancs et les reins. Roland cherche à faire entrer