Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/263

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ses yeux aient la joie de revoir Angélique, ou le voleur qui a ravi le beau visage aimé.

Et pendant qu’il portait en vain ses pas d’un côté et d’autre, plein de fatigue et de soucis, il rencontre Ferragus, Brandimart, le roi Gradasse, le roi Sacripant, et d’autres chevaliers qui s’en allaient en bas, en haut, faisant, comme lui, de vains détours, et maudissant l’invisible seigneur de ce palais.

Ils s’en vont tous cherchant, se plaignant tous de quelque larcin qu’on leur a fait. Celui-ci est en quête du destrier qu’on lui a enlevé ; celui-là enrage d’avoir perdu sa dame ; ceux-là accusent le châtelain d’autres méfaits ; et tous sont tellement ensorcelés, qu’ils ne savent pas sortir de cette cage, où, depuis des semaines entières et des mois, ils sont retenus par cet enchantement.

Roland, après avoir fouillé quatre ou six fois tout l’étrange palais, dit à part soi : « Je perdrais ici mon temps et ma peine, et peut-être le voleur a-t-il entraîné Angélique par une autre sortie, et est-il déjà loin. » Guidé par cette pensée, il sort dans le pré verdoyant dont le palais était entouré.

Pendant qu’il faisait le tour de ce lieu champêtre, tenant les yeux fixés à terre, pour voir si, soit à droite, soit à gauche, il ne verra pas les traces d’un passage récent, il s’entend appeler d’une fenêtre. Il lève les yeux, et il lui semble entendre le parler divin, il lui semble voir le visage de celle qui l’a rendu si différent de ce qu’il était jadis.