Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/323

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juste prière du peuple chrétien qui implorait secours.

Alors l’ineffable Bonté, qui ne fut jamais priée en vain par un cœur fidèle, leva ses yeux pleins de pitié, et fit signe à l’ange Michel de venir à lui : « Va — lui dit-elle — vers l’armée chrétienne qui vient de débarquer en Picardie, et fais-la approcher des murs de Paris, sans que le camp ennemi s’en aperçoive.

« Va trouver d’abord le Silence, et dis-lui de ma part de te seconder dans cette entreprise. Il saura bien comment procéder dans cette circonstance. Cela fait, va sur-le-champ à l’endroit où la Discorde a son séjour. Dis-lui de prendre avec elle son brandon et sa torche, et d’allumer le feu dans le camp des Maures ;

« Et de répandre de telles divisions, de tels conflits entre ceux qu’on considère comme les plus vaillants, qu’ils se battent ensemble, jusqu’à ce que les uns soient morts, les autres prisonniers, d’autres blessés, d’autres entraînés par l’indignation hors du camp ; de façon que leur roi puisse tirer d’eux le moins d’aide possible. » L’oiseau béni ne répond rien à ces paroles, et s’envole loin du ciel.

Partout où l’ange Michel dresse son aile, les nuées se dissipent et le ciel redevient serein. Un cercle d’or l’entoure, pareil à l’éclair que l’on voit briller pendant la nuit. Tout en poursuivant sa route, le messager céleste se demande où il doit descendre pour être sûr de trouver l’ennemi de la