Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/326

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astucieux. Mais la Fraude, une de mes suivantes, l’accompagne quelquefois. Je pense qu’elle saura t’en donner des nouvelles. » Et étendant le doigt, elle dit : « La voilà ! »

Cette dernière avait un visage agréable, un vêtement plein de décence, le regard humble, la démarche grave, le parler si doux et si modeste qu’elle ressemblait à l’ange Gabriel, disant : Ave ! Tout le reste de sa personne était laid et hideux ; mais elle cachait ses difformités sous un vêtement long et large, dans les plis duquel elle portait toujours un poignard empoisonné.

L’ange lui demande quel chemin il doit prendre pour trouver le Silence. La Fraude lui dit : « Jadis, il habitait ordinairement parmi les Vertus, près de saint Benoît, et non ailleurs, ou bien avec les disciples d’Élie, et dans les abbayes nouvellement fondées. Il résida longtemps dans les écoles, aa temps de Pythagore et d’Architas.

« Après ces philosophes et ces saints, qui l’avaient retenu dans le droit chemin, il abandonna les mœurs honnêtes qu’il avait suivies jusque-là, pour se jeter dans des pratiques scélérates. Il commença par fréquenter pendant la nuit, les amants, puis les voleurs, et à se livrer à toute sorte de crimes. Longtemps il habita avec la Trahison, et je l’ai vu naguère avec l’Homicide.

« Avec ceux qui falsifient les monnaies, il se retire dans les lieux les plus secrets. Il change si souvent de compagnon et d’asile, que tu le trouverais difficilement. J’espère cependant te ren-