Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/334

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est praticable, ou s’il y a de l’eau dans le fossé. Il traverse le fossé à la course et vole à travers l’eau bourbeuse où il est plongé jusqu’à la bouche.

Souillé de fange, ruisselant d’eau, il va à travers le feu, les rochers, les traits et les balistes, comme le sanglier qui se fraye à travers les roseaux des marécages de Malléa un ample passage avec son poitrail, ses griffes et ses défense. Le Sarrasin, l’écu haut, méprise le ciel tout autant que les remparts.

À peine Rodomont s’est-il élancé à l’assaut, qu’il parvient sur une de ces plates-formes qui, en dedans des murailles, forment une espèce de pont vaste et large, où se tiennent les soldats français. On le voit alors fracasser plus d’un front, pratiquer des tonsures plus larges que celles des moines, faire voler les bras et les lêtes, et pleuvoir, du haut des remparts dans le fossé, un fleuve de sang.

Le païen jette son écu, prend à deux mains sa redoutable épée et fond sur le duc Arnolf. Celui-ci venait du pays où le Rhin verse ses eaux dans un golfe salé. Le malheureux ne se défend pas mieux que le soufre ne résiste au feu. Il tombe à terre et expire, la tête fendue jusqu’à une palme au-dessous du col.

D’un seul coup de revers, Rodomont occit Anselme, Oldrade, Spinellaque et Prandon ; car l’étroitesse du lieu et la foule épaisse des combattants font que l’épée porte en plein. Les deux premiers sont perdus pour la Flandre, les deux autres