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ROLLAND FURIEUX.

moi n’erre pas cette prophétique lumière qui m’inspire, elle le conservera tout le temps qu’autour du pôle le ciel tournera.

Et comme je veux en raconter pleinement les honneurs, j’ai besoin, au lieu de la mienne, de cette lyre avec laquelle toi-même, après les fureurs de la guerre des géants, tu rendis grâce au roi de l’éther. Que ne m’as-tu donné de meilleurs instruments, propres à sculpter, sur une pierre digne d’elles, ces grandes figures ! j’y consacrerais tous mes efforts et tout mon talent.

En attendant, je vais, de mon ciseau malhabile, enlever les premiers et rugueux éclats. Peut-être qu’encore, grâce à une étude plus soignée, je rendrai par la suite ce travail parfait. Mais retournons à celui dont ni écu ni haubert ne pourrait rassurer le cœur ; je parle de Pinabel de Mayence qui espérait avoir tué Bradamante.

Le traître croit la damoiselle morte au fond du précipice ; le visage pâle, il quitte cette sombre caverne par lui déshonorée et s’empresse de remonter en selle. Et en homme qui avait l’âme assez perverse pour accumuler faute sur faute, crime sur crime, il emmène le cheval de Bradamante.

Laissons ce misérable, — pendant qu’il attente à la vie d’autrui, il travaille à sa propre mort, — et retournons à la dame qui, trahie par lui, a failli trouver du même coup mort et sépulture. Après qu’elle se fut relevée tout étourdie, car elle avait frappé contre la rude pierre, elle s’avança vers la