Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/121

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rire, et, sans répondre, il va vers le gué et s’éloigne du fou.

« Je veux ton cheval : holà ! n’entends-tu pas ? » reprend Roland ; et, plein de fureur, il s’élance. Le berger avait à la main un bâton noueux et solide ; il en frappe le paladin. La rage, la colère du comte dépassant alors toutes les bornes, il semble plus féroce que jamais. Il frappe du poing sur la tête du berger qui tombe mort, les os broyés.

Le comte saute à cheval et s’en va courant par divers chemins, saccageant tout sur son passage. Le roussin ne goûte jamais foin ni avoine, de sorte qu’en peu de jours il reste sur le flanc. Roland n’en va point à pied pour cela ; il entend aller aussi en voiture tout à son aise ; autant il en rencontre, autant il en prend pour son usage, après avoir occis les maîtres.

Il arriva enfin à Malaga et y commit plus de dommages que partout ailleurs. Non seulement il sema le carnage parmi la population, mais il extermina tant de gens que cette année, ni la suivante, les vides qu’il fit ne purent être comblés. Il détruisit et brûla tant de maisons, que plus du tiers du pays fut ravagé.

Après avoir quitté ce pays, il vint dans une ville nommé Zizera, et qui s’élève sur le détroit de Gibraltar ou de Zibelterre — car on l’appelle de l’un et de l’autre nom. — Là, il vit une barque qui s’éloignait de terre ; elle était pleine de gens qui s’ébattaient joyeusement sur les eaux tran-