Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/228

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roi ayant été conduit devant lui, s’agenouilla et, joignant les mains, lui dit : « Ange de Dieu, nouveau Messie, je ne mérite point de pardon pour une si grande offense ; considérez pourtant que, s’il est de notre nature de pécher souvent, il est de la vôtre de pardonner toujours à qui se repent.

« Conscient de mon erreur, je ne te demande pas, je n’oserais pas te demander de me rendre la lumière, bien que tu aies le pouvoir de le faire, car tu es au nombre des bienheureux que Dieu chérit. Contente-toi de mettre fin au grand martyre que je ne puis voir, et qui consiste à me faire consumer de faim. Chasse au moins les Harpies, afin qu’elles ne viennent plus me ravir la nourriture.

« Et je promets de te faire construire, dans la partie la plus élevée de mon palais, un temple de marbre dont les portes et le toit seront tout en or, et dont l’intérieur sera orné de pierreries. Ce temple portera ton saint nom, et l’on y gravera le miracle accompli par toi. » Ainsi parla le roi privé de la vue, cherchant en vain à baiser les pieds du duc.

Astolphe répondit : « Je ne suis pas l’ange de Dieu, je ne suis pas un nouveau Messie, et je n’arrive pas du ciel. Je suis, moi aussi, mortel et pécheur, et indigne d’une telle grâce. Je ferai tout ce que je pourrai pour débarrasser, par leur mort ou par leur fuite, ton royaume de ces monstres malfaisants. Si j’y parviens, ce n’est pas moi,