Page:L.L. Zamenhof Langue internationale Esperanto 1893 I-M Trad LdBeaufront.pdf/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la grammaire exige qu'on les mette entre les parties composantes du mot. En opérant ainsi, la désarticulation de la langue ne gêne en rien celui qui l’apprend. Il ne soupçonne même pas que, ce qu'il appelle préfixes ou suffixes, n'est au fond qu'une collection de mots indépendants dont la signification reste toujours la même, soit qu'on les mette au commencement où à la fin des vocables, soit qu'on les prenne même isolément. Il ne se doute pas, non plus, que chacun d’eux peut être employé comme racine ou comme élément grammatical. Tel est, cependant, le résultat de cette structure que tout ce qui est écrit en Esperanto sera, sur le champ, compris au plus juste (avec ou sans l'aide du dictionnaire), non seulement de tous ceux qui n'en ont pas appris la grammaire au préalable, mais encore de ceux qui en ignorent l'existence[1] En voici un exemple.

Mettons que je me trouves en France, sans connaître un mot de français, et que j'aie besoin de m'adresser à quelqu'un. Je lui écris sur un papier, dans la langue internationale, les mots suivants, je suppose: . Mi ne sci'as kie mi las'is la baston'o'n; ĉu vi ĝi'n ne vid'is ?

Puis, je lui présente le dictionnaire Esperanto-Français, en lui montrant la première page, où se trouve imprimée, en gros caractères, la phrase que voici: Tout ce qui est écrit en langue internationale peut être compris à l’aide de ce dictionnaire. Les mots qui forment ensemble une seule idée s'écrivent ensemble, mais se séparent les uns des autres par de petits traits. Ainsi, par exemple, le mot "frat'in'o", qui

  1. Outre le fait capital d'une compréhensibilité immédiate à l'aide du dictionnaire, il résulte de cette constitution que l'Esperanto atteint toutes les races et tous les peuples, puisqu'il embrasse la triple division linguistique: 1° les langues à flexions, comme les nôtres, dont il ne paraît pas différer; 2° les langues agglutinantes (les plus nombreuses de toutes), parmi lesquelles on doit scientifiquement le ranger; 3° les langues monosyllabiques on isolantes dont il se approche beaucoup par la brièveté des éléments qui forment ses mots, éléments monosyllabiques en majorité, très courts toujours, et qui tous ont leur sens propre. Chaque race, chaque peuple y retrouve donc du sien, et ne s'y heurte pas à l'obstacle, plus grand qu'on ne pense, d'une dissemblance trop forte.