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« mandeur, dont le Sergent a fait exploit par ecrit, et donné jour certain et assimilation par-devant le Juge pour y répondre et procéder. » (Laur. Gloss. du Dr. fr. — Voy. Adjour ci-devant.)

Dans le Laonnois, un particulier que sa partie faisoit adjourner, comparissoit devant le Juge, et pouvoit, sans répondre sur la cause, demander son renvoi devant le Juge supérieur : en conséquence il ajournoit le premier Juge à comparoitre lui-même devant l’autre aux plus prochaines assises, pour lui voir soutenir son appel. (Voy. Bouteill. Som. Rur. p. 773.) Ces appels et ces adjournemens étoient nommés voulages et frivoles. (Ord. T. 11, p. 445) Les habitans des villes de Tannières et de Ponstivicour, obtinrent qu’ils seroient supprimés en leur faveur, en s’obligeant à payer au Roi « chascun an, par chascun chief de feu d’ostel, deux sols parisis. . . . . . . . . . . Iceuls habitans pour euls et pour leurs successeurs affranchissons et délivrons desdits appiaux voulages et frivoles…… et de tous adjornemens qui pour raison d’appiaux voulages…. se porroient ou povoient ou souloient faire avant nostredit affranchissement. » (Voy. dans l’Ord. du mois d’Août 1351. Rec. des Ord. T. II, p. 444 et suiv.)

Enfin l’Àdjournement, comme terme de procédure, emporte l’idée de délai. C’est en ce sens qu’on lit au sujet du procès que le Parlement de Paris fit au Connétable de Clisson, sous l’an 1392, qu’on lui donna « par Ordonnance du Parlement, fust tort ou droit, tous les ajournemens, afin que ceux qui l’aimoyent ne peussent point dire ne proposer que par envie, ne par haine on l’eust forcé, ne forvoyé. » (Froissart. vol. IV, p. 166.)

variantes :
ADJOURNEMENT. Froissart, Vol. I, p. 377. - Id. ibid. page 431.
Ajornement, Anc Poët. fr. MSS. av. 1300, T. III, p. 1200.
Ajournement. Froissart, Vol. IV, p. 166.

Adjourner, verbe. Faire jour. Éclairer. Adjourner.

Le premier sens est le sens propre. C’est un « vieux mot francois pour déclarer que le jour est venu. » (Pasq. Rech. p. 662.)

D’une entresuyvante fuyte,
Il ajourne et puis ennuyte.
Œuv. de Joach. du Bellay, fol. 198, V°.

Comme ce mot servoit à désigner la naissance, le commencement du jour, on a pu dire :

. . . . . . . la belle journée
Qui nous estoit là ajournée.
Froissart, Poës. MSS. p. 137, col. 2.

On lit ailleurs : « à l’heure du matin, dont le vendredy adjourna. » (Froissart, Vol. 1, p. 175.)

La nuit en se dissipant fait place au jour. De là par une espèce de métonymie, on a dit : « la nuit adjourna, et fut incontinent haute matinée. » (Froiss. Vol. 1, p. 383.)

C’est dans une signification encore plus figurée, que l’idée du jour naissant s’est appliquée, aux premiers accès d’une noire mélancolie.

Et si ne sçai com lonc demour
Je ferai là où je séjourne ;
Grand mélancolie m’ajourne.
Froissart, Poës. MSS. fol. 209, R°.

Au propre, on employoit souvent comme substantif l’infinitif ou le participe présent de ce verbe, et l’on disoit ; à l’ajourner, pour au point du jour. (Ger. de Roussillon, ms. p. 112 : à l’enjourner au même sens dans Villehard. p. 167.

Si n’osèrent plus sejourner.
Pour la paour de l’adjourner.
Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 181, col. 2.

C’est-à-dire : « ils n’osèrent demeurer plus long-temps de peur d’être surpris, le jour venant à paroitre. »

. . . . . . le laissèrent la nuit,
Et lendemain, à l’ajornant,
Li Chevaliers leva avant.
Fabl. MS. de St Germ. fol. 54. R° col. 3.

Et au matin, à l’aube apant
Que l’en sout dire[1] à l’ajournant.
Rom. de Rou. MS. p. 299.

On trouve anjourner, pour éclairer. C’est une extension de l’acception propre, faire jour.

. . . . . . . . le luysant soleil
Qui anjourne nostre veue.
Jaq. Tahureau, Poës. p. 22 V°

Enfin par une espèce de figure que nous avons remarquée sous l’article adjournement, adjourner, en termes de pratique signifioit comme aujourd’hui assigner à quelqu’un un jour certain pour comparoitre en justice. (Voy. D. Morice, Hist. de Bretag. Preuv. col. 998, tit. de 1265.) « Nous avons perdu (dit Pasquier) la naifveté de ce mot, pour la tourner en chicanerie. » (Voy. Recherches, Liv. VIII, p. 661.)

On observoit différentes formes et solennités pour adjourner. (Voy. Laur. Gloss. du Dr. fr.) On adjournoit à verge ; de main mise, etc. « si l’achapteur est absent, n’ayant aucun domicile au lieu ou la chose acquise est scituée, suffira au lignager le faire adjourner à verge, faisant attacher l’exploit du Sergeant à la porte de l’Église paroichialle, pour interrompre la possession d’an et jour. » (Cout. de Bouillon, au nouv. Cout. gén. T. II, p. 856, col. 2. — Voy. Verge ci-après.)

Nous lisons dans une Ordonnance de Jean Ier contre les faux monnoyeurs : « Et touz ce (ceux) que par informacion… il trouvera estre coulpables…. adjourne de main mise ou autrement. » (Ordonn. T. 111, p. 540.) « Cette expression peut signifier ou en arrestant les malfaicteurs prisonniers, ou en saisissant leurs biens. » (Ibid. notes).

variantes :
ADJOURNER. Borel, Dict. — Laur. Gloss. du Dr. fr. — Froiss. Vol. I, p. 175.
  1. a coutume de dire.