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AO — 477 — AO


Lucans, pour la raison aoire,

Nous dist que on ne doit pas croire

Losengier, ne menteour faus,

Mais les conseilleours loiaus.

Alars de Cambray, Moral. MS. de Gaignat, fol. 147, R° col. 2.

Aoite, subst. fém. Augmentation ou accroissement. Il semble que le substantif aoite, quelle qu'en soit l'origine, ait été pris dans un sens analogue à celui du verbe aoire, lorsqu'on a dit :

A Dieu commant le monnoier ;...

Diex li laist sa main tenir droite :

Il a bien prise s'escueilloite

En ce c'onnour aime et couvoite.

Li laist Diex sa voie emploiier

Et tous ceaus avoec lui d'aoite

Qui aideront à ma cueilloite.

Congiés de J. Bodel, MS. de Gaignat, fol. 228, V° col. 1.

On a dit en parlant des femmes dont l'inconstance augmente peu le bonheur en amour :

A poi d'aoite sont changiez.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 348, V° col. 1.

Peut-être ce mot aoite désignoit-il une idée d'augmentation, d'accroissement en méchanceté, lorsque dans les principes de l'ancienne galanterie, on disoit :

Sire Bretel, à moult petit d'aoite

Iroit murdrir, u reuber

Qui vers sa Dame aroit fait tèle emploite

Con de traïson monstrer.

Anc. Poës. fr. MS. du Vatic. n° 1490, fol. 159, R°.

Aorbir, verbe. Priver de la lumière. Se retirer, se rouler en forme de cornet. Anciennement, avoir les yeux orbes signifioit être privé de la lumière, en latin lucis expers. (Voyez ORBE ci-après.) De là, le verbe aorbir dans le premier sens :

Qui gaitera lasses brebis ?

Je voi les pastors abaubis ;

Les miex parlans enkembelés ,

Et les miex veans aorbis.

Miserere du Recl. de Moliens, MS. de Gaignat, fol. 221, R° col. 1 et 2.

On voit un morceau de cuir, à l'approche du feu, se retirer, se rouler en forme de cornet, s'arrondir, en latin in orbem volvi. De là, le verbe aorbir dans le second sens : " Le fieu fait descéchier le cuir, adurchir et aorbir. " (Statuts des Cordonniers d'Abbeville. - Voy. D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, au mot orbitare.)

Aoreillier, verbe. Ecouter. Prêter l'oreille à ce qu'on veut entendre. Pseautier, MS. du R. n° 7837, fol. 13, V° col. 2. (Voy. OREILLER ci-après.)

Aorger (s'), verbe. S'arrêter, se retenir. La signification de ce mot paroit avoir quelque analogie avec la signification propre des verbes aherdre, aherter, ahurter ci-dessus. " Baudart... féri sa belle-mère du pié ou cousté, par telle manière que se elle ne se feust aorgé à un estal, elle eust esté... boutée ou celier de ladite maison. " (Lett. de grâce, an. 1376. - Voyez D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, au mot Arrestare.)

Aouer, subst. masc. On croit qu'aouer est une corruption du mot somer, somier, dans ce passage : " La charretée de fromages et d'ueus doit obol ; et se il estaient aporté à cheval, ou à aouer, ou à col, si doivent-il obol par la semaine. " (Beaumanoir, anc. Cout. d'Orléans, p. 472.) On lit plus bas : " Tuit cil qui sunt à somer, tuit cil qui portent à col, oboi por sa charge. " (Id. ibid. p. 473.) Un autre article de la même Coutume, où le verbe chevaucher répond à l'expression aporter à cheval dans la première citation, donne encore plus de vraisemblance à notre conjecture. " Li somiers qui porte coiffe, doit 4 deniers ; cil qui chevauche à trousses, 2 deniers ; à col, obol. " (Id. ibid. p. 474.)

Aouiller, verbe. Remplir. Plonger. Lorsqu'on a la preuve qu'aouiller étoit une variation de l'orthographe aoeiller, il semble raisonnable de croire qu'ouiller est le même qu'oeiller . (Voy. AOEILLER et OEILLER.) Le trou par lequel on remplit un tonneau, étant comparé à un oeil, oeiller les vins, les ouiller, aura signifié remplir les vins jusqu'à l'oeil, jusqu'au trou de la bonde du tonneau. Cependant quelques étymologistes ont cru qu'ouiller, oiller et même oeiller étoient des altérations du verbe saouler, en latin satullare. (Voyez Ménage, Dict. étym. T. II, p. 257.) En adoptant leur opinion sur l'origine du verbe simple oeiller, oiller, ouiller, on interpréteroit le composé aouiller dans le sens de rassasier, soûler : mais il est possible que par une métaphore tirée de l'action de remplir un tonneau jusqu'à l'oeil, l'expression figurée aouiller de délices ait signifié remplir de délices. " Vos oysivetez aouillées de toutes délices, et la descongnoissance de vousmesmes vous avoit jà et a bestourné le sens. " (Oeuv. d'Al. Chartier, Quadriloque invectif, p. 431.)

Dans cette autre expression figurée, s'aoillier ou s'aouiller en plaisirs charnels, le verbe réciproque s'aouiller, formé du substantif oeil pourroit signifier " se plonger dans les plaisirs jusqu'aux yeux, jusque par-dessus les yeux ; " ou bien " se plonger dans l'abondance des plaisirs. " Mais suivant cette dernière explication, il dérivoit de oule, en latin undula, diminutif de unda. (Voy. OULE.) " Reçoivent voulentiers l'ouverte licence et congié de s'aoillier


(1) Dérivé de cembel, qui signifie tournoi. D. Carpentier traduit enkembeler par hastiludio decertare. Il signifierait ici : « luttant les uns contre les autres. » (N. E.) — (2) Le simple œiller rend celle étymologie fort admissible ; le composé aouiller vient peut-être d’adoliare, fait sur dolium, comme entonner a été fait sur tonne ; Ulpien donne la forme duliare. (n. e.)