Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/59

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embarrassée de la crainte que M. de Nemours ne la voulût faire servir de prétexte à madame la dauphine, et cette pensée la détermina à conter à madame de Chartres ce qu’elle ne lui avait point encore dit.

Elle alla le lendemain matin dans sa chambre pour exécuter ce qu’elle avait résolu ; mais elle trouva que madame de Chartres avait un peu de fièvre, de sorte qu’elle ne voulut pas lui parler. Ce mal paraissait néanmoins si peu de chose, que madame de Clèves ne laissa pas d’aller l’après-dînée chez madame la dauphine : elle était dans son cabinet avec deux ou trois dames qui étaient le plus avant dans sa familiarité. Nous parlions de M. de Nemours, lui dit cette reine en la voyant, et nous admirions combien il est changé depuis son retour de Bruxelles : devant que d’y aller, il avait un nombre infini de maîtresses, et c’était même un défaut en lui, car il ménageait également celles qui avaient du mérite et celles qui n’en avaient pas ; depuis qu’il est revenu, il ne connaît ni les unes ni les autres : il n’y a jamais eu un si grand changement ; je trouve même qu’il y en a dans son humeur, et qu’il est moins gai que de coutume.

Madame de Clèves ne répondit rien, et elle pensait avec honte qu’elle aurait pris tout ce que l’on disait du changement de ce prince pour des marques de sa passion, si elle n’avait point été détrompée. Elle se sentait quelque aigreur contre madame la dauphine, de lui voir chercher des raisons et s’étonner d’une chose dont apparemment elle savait mieux la vérité que personne. Elle ne put s’empêcher de lui en témoigner quelque chose ; et, comme les autres dames