Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/60

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s’éloignèrent, elle s’approcha d’elle, et lui dit tout bas : Est-ce aussi pour moi, madame, que vous venez de parler, et voudriez-vous me cacher que vous fussiez celle qui a fait changer de conduite à M. de Nemours ? Vous êtes injuste, lui dit madame la dauphine ; vous savez que je n’ai rien de caché pour vous. Il est vrai que M. de Nemours, devant que d’aller à Bruxelles, a eu, je crois, intention de me laisser entendre qu’il ne me haïssait pas ; mais, depuis qu’il est revenu, il ne m’a pas même paru qu’il se souvînt des choses qu’il avait faites : et j’avoue que j’ai de la curiosité de savoir ce qui l’a fait changer. Il sera bien difficile que je ne le démêle, ajouta-t-elle : le vidame de Chartres, qui est son ami intime, est amoureux d’une personne sur qui j’ai quelque pouvoir, et je saurai par ce moyen ce qui a fait ce changement. Madame la dauphine parla d’un air qui persuada madame de Clèves, et elle se trouva malgré elle dans un état plus calme et plus doux que celui où elle était auparavant.

Lorsqu’elle revint chez sa mère, elle sut qu’elle était beaucoup plus mal qu’elle ne l’avait laissée. La fièvre lui avait redoublé, et les jours suivants elle augmenta de telle sorte qu’il parut que ce serait une maladie considérable. Madame de Clèves était dans une affliction extrême, elle ne sortait point de la chambre de sa mère ; M. de Clèves y passait aussi presque tous les jours, et par l’intérêt qu’il prenait à madame de Chartres, et pour empêcher sa femme de s’abandonner à la tristesse, mais pour avoir aussi le plaisir de la voir : sa passion n’était point diminuée.

M. de Nemours, qui avait toujours eu beaucoup