Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/100

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les intérêts de la beauté ne sont guère moins chers à une jeune personne que ceux de son cœur.

Elle était, depuis son enfance, liée d’une tendre amitié avec la comtesse de Beaumont, sœur de M. de Canaple. Un jour que la compagnie avait été nombreuse chez madame de Granson, et que madame de Beaumont s’était aperçue qu’elle ne s’était prêtée à la conversation que par une espèce d’effort : J’ai envie, lui dit madame de Beaumont, aussitôt qu’elles furent seules, de deviner ce qui vous rend si distraite. Ne le devinez point, je vous prie, répondit madame de Granson ; laissez-moi vous cacher une faiblesse dont je suis honteuse. Vous avez tort de l’être, répliqua madame de Beaumont ; vos sentiments sont raisonnables ; M. de Granson a fait tout ce qu’il fallait pour se faire aimer de vous ; il fait présentement tout ce qu’il faut pour vous donner de la jalousie. Je vous assure, dit madame de Granson, que, si j’aimais mon mari de la façon que vous le pensez, je ne serais point honteuse de me trouver sensible à sa conduite présente ; mais je ne l’ai jamais aimé qu’autant que le devoir l’exigeait : son cœur n’est point nécessaire au bonheur du mien ; c’est le mépris de ce que je puis avoir d’agréments qui m’irrite. Je suis humiliée qu’une année de mariage ait éteint l’amour de mon mari, et je me reproche de me trouver des sentiments qui ne sont excusables que lorsque la tendresse les fait naître.

Monsieur votre frère, qui ne m’a jamais vue, continua-t-elle, mais qui a été le confident de la passion de M. de Granson, et à qui, dans les commencements de notre mariage, il a peut-être vanté son bonheur,