Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/108

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s’élevait contre lui, lui exagérait son crime, et ne lui permettait aucune excuse.

J’ai donc mérité, disait-il, la haine de la seule femme que je pouvais aimer ! Comment oserai-je me présenter à ses yeux ? irai-je braver sa colère ? irai-je la faire rougir de mon crime ? non, il faut m’éloigner pour jamais, et lui donner, en me condamnant à une absence éternelle, la seule satisfaction que je puisse lui donner.

Cette résolution ne tenait pas longtemps : l’amour reprenait ses droits, et l’idée même de ce crime qu’il détestait ramenait malgré lui quelque douceur dans son âme. Il allait jusqu’à espérer qu’il ne serait jamais connu. Mais, si cette pensée le consolait, elle n’augmentait pas sa hardiesse. Comment osera-t-il la revoir en se sentant si coupable ?

Madame de Granson ne s’était éveillée que longtemps après le départ du comte de Canaple. Elle avait été obligée de céder son appartement à madame la comtesse d’Artois, qui avait passé chez elle en allant dans ses terres. M. de Granson était parti, avant l’arrivée de la duchesse, pour une affaire pressée, et avait assuré sa femme qu’il reviendrait la même nuit. Elle avait cru qu’instruit par ses gens il était venu la trouver dans l’appartement de M. de Canaple. Comme elle était prête de se lever, elle aperçut quelque chose dans son lit qui brillait, et vit avec surprise que c’était la pierre d’une bague qui avait été donnée par le roi, Philippe de Valois, au comte de Canaple, pour le récompenser de sa valeur, et qu’il ne quittait jamais. Troublée, interdite à cette vue, elle ne savait que