Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/112

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ne s’agissait pas d’être aimé ; il voulait seulement n’être pas haï.

Madame de Beaumont apprit, à son retour de la promenade, l’arrivée de son frère ; elle alla le chercher avec empressement. Ils se demandèrent compte l’un à l’autre de ce qu’ils avaient fait depuis qu’ils ne s’étaient vus ; et ce fut pour la première fois que le comte de Canaple se déguisa à une sœur qu’il aimait tendrement.

Il eût cependant cédé au désir de parler de madame de Granson, s’il n’avait senti qu’il ne lui serait pas possible de prononcer ce nom comme il le prononçait autrefois. Madame de Beaumont prévint la question qu’il n’osait lui faire. Vous avez réussi, lui dit-elle ; Granson est plus amoureux de sa femme qu’il ne l’a jamais été. Elle est donc bien contente, dit M. de Canaple, avec un trouble qu’il eut de la peine à cacher ! Je n’y comprends rien, répliqua madame de Beaumont : elle aime son mari, elle en est aimée ; cependant elle a un chagrin secret qui la dévore, et qui lui arrache même des larmes.

Ces paroles pénétrèrent M. de Canaple de la plus vive douleur. Il ne voyait que trop qu’il était l’auteur de ces larmes ; et la jalousie, qui commençait à naître dans son cœur contre un mari aimé, achevait de le désespérer. Il eût bien voulu rester seul ; mais il fallait rejoindre la compagnie. Malgré tous ses efforts, il parut d’une tristesse qui fut remarquée par madame de Granson : celle où elle était plongée elle-même en devint un peu moindre.

On soupa ; on passa la soirée à différents jeux ; le