Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/113

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hasard plaça toujours M. de Canaple auprès de madame de Granson. Il ne pouvait s’empêcher d’attacher les yeux sur elle ; mais il les baissait d’un air timide dès qu’elle s’en apercevait, et il semblait lui demander pardon de son audace.

Il se rappela qu’elle lui avait écrit autrefois quelques lettres, qu’il avait gardées. L’impatience de les relire ne lui permit pas d’attendre son retour à Dijon. Il envoya un valet de chambre chercher la cassette qui les renfermait. Ces lettres lui paraissaient alors bien différentes de ce qu’elles lui avaient paru autrefois. Quoiqu’elles ne continssent que des bagatelles, il ne pouvait se lasser de les relire. Les témoignages d’amitié qui s’y trouvaient lui donnèrent d’abord un plaisir sensible ; mais ce plaisir fut de peu de durée ; il n’en sentait que mieux la différence du traitement qu’il éprouvait alors.

Madame de Granson était pourtant moins animée contre lui. La conduite respectueuse qu’il avait avec elle, faisait peu à peu son effet ; mais elle ne diminuait ni sa honte ni son embarras ; peut-être même en étaient-ils augmentés. M. de Granson y mettait le comble par les empressements peu ménagés qu’il avait pour elle. Il en coûtait à sa modestie d’y répondre ; et n’y répondre point, c’eût été une espèce de faveur pour le comte de Canaple qui en était souvent le témoin.

Que ne souffrait-il pas dans ces occasions ? il sortait quelquefois si désespéré de la chambre de madame de Granson, qu’il formait le dessein de n’y rentrer jamais. Je me suis plongé moi-même dans l’abîme où