Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/121

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avait besoin d’être secondé par ses bons serviteurs ; qu’il lui ordonnait de le venir joindre avec moi ; que, le destinant à des emplois plus importants, il me donnerait à commander la compagnie de gens d’armes que mon père commandait alors.

Les mouvements de l’armée, qui s’assemblait de tous côtés, ne nous permettaient pas de différer notre départ, et, malgré la douleur que j’en ressentais, je ne pouvais me dissimuler ce qu’exigeaient de moi l’honneur et le devoir. J’écrivis à M. le comte de Mailly la nécessité où j’étais de différer mon mariage jusqu’à mon retour de Flandres, et la peine que me causait ce retardement. Que ne dis-je point à sa fille ! Cette absence, bien différente de la première, ne m’offrait aucun dédommagement, et me laissait en proie à toute ma douleur. Il n’y en a jamais eu de plus sensible ; et, si la crainte de me rendre indigne de ce que j’aimais ne m’avait soutenu, je n’aurais pas eu la force de m’éloigner. Les réponses que je reçus de Calais augmentèrent encore mon amour.

La bataille de Cassel, où vous acquîtes tant de gloire, me coûta mon père. Je sentis vivement cette perte, et j’allai chercher, auprès de mademoiselle de Mailly, la seule consolation que je pouvais avoir. Il y avait quelque temps que je n’avais eu de ses nouvelles. J’en attribuais la cause à la difficulté de me faire tenir ses lettres, et je n’avais sur cela que cette espèce d’inquiétude si naturelle à ceux qui aiment. Je volai à Calais, où j’appris qu’elle était avec M. de Mailly. Je la trouvai seule chez elle, et, au lieu de la joie que j’attendais, elle me reçut avec des larmes.