Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/122

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Je ne puis vous dire à quel point j’en fus troublé. Vous pleurez, m’écriai-je ! Grand Dieu ! que m’annoncent ces larmes ? Elles vous annoncent, me répondit-elle en pleurant toujours, que notre fortune est changée, et que mon cœur ne l’est point. Ah ! repris-je avec transport, M. de Mailly veut manquer aux engagements qu’il a pris avec moi ? Mon père, reprit-elle, est plus à plaindre qu’il n’est coupable : écoutez, et promettez que vous ne le haïrez pas.

Quelque temps après votre départ, il vit dans une maison madame du Boulai. Quoiqu’elle ne soit plus dans la première jeunesse, elle en a conservé la fraîcheur et les agréments. La manière adroite dont elle a vécu avec un mari d’un âge très différent du sien, et d’une humeur difficile, lui a attiré l’estime de ceux qui ne jugent que par les apparences. Elle joint à tous ces avantages l’esprit le plus séduisant. Maîtresse de ses goûts et de ses sentiments, elle n’a que ceux qui sont utiles.

Mon père, dont l’âme est susceptible de passion, prit de l’amour pour elle, et lui proposa de l’épouser. J’ai un fils que j’aime, lui répondit-elle, et qui, par sa naissance et par ses qualités personnelles, est digne de mademoiselle de Mailly ; si vous m’aimez autant que vous le dites, il faut, pour m’autoriser à me donner à vous, que nous ne fassions qu’une même famille.

Mon père était amoureux, continua mademoiselle de Mailly ; sans se souvenir des engagements qu’il avait pris avec vous, il vint me proposer d’épouser M. du Boulai. La douleur que me donna cette proposition rappela toute sa tendresse pour moi : il ne me déguisa