Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/129

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Nous sommes partis, vous et moi, pour venir joindre notre troupe. Dès que j’ai été à portée de mademoiselle de Mailly, le désir de la voir et de m’éclaircir s’est réveillé dans mon cœur. J’ai dans la tête qu’elle est mariée, et que quelque raison que je ne sais pas l’oblige à cacher son mariage. L’enfant que j’ai en ma jouissance, et que j’ai vu exposer, ne s’accorde pas trop bien avec cette idée ; mais mon cœur a besoin d’estimer ce qu’il ne peut s’empêcher d’aimer.

J’ai été trois nuits de suite à Calais ; j’ai passé les deux premières à me promener autour de la maison de M. de Mailly ; je fus attaqué la troisième par trois hommes qui vinrent sur moi l’épée à la main ; je tirai promptement la mienne, et, pour n’être pas pris par derrière, je m’adossai contre une muraille. L’un de mes trois adversaires fut bientôt hors de combat : je n’avais fait jusque-là, que me défendre ; je songeai alors à attaquer, et je fus si heureux que mon dernier ennemi, après avoir reçu plusieurs blessures, tomba baigné dans son sang. J’en perdais beaucoup moi-même ; et, me sentant affaiblir, je me hâtai de gagner le lieu où un homme que j’avais avec moi m’attendait. Il étancha mon sang le mieux qu’il lui fut possible. Mes blessures ne se sont point trouvées dangereuses ; et, si mon esprit me laissait quelque repos, j’en serais bientôt quitte ; mais, bien éloigné de ce repos, la lettre que je reçus hier et que voici, me jette dans un nouveau trouble et dans une nouvelle affliction.

Cette lettre, que M. de Canaple prit des mains de son ami, était telle :