Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/132

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d’être si bien instruit ; et pardonnez à mon ami de m’avoir confié ses peines, et de m’avoir chargé d’un éclaircissement, que, dans l’état où il est, il ne peut vous demander lui-même.

Quoi ! répondit-elle d’une voix basse et tremblante, il est donc blessé ? Oui, mademoiselle, répondit M. de Canaple, et, malgré tout ce qu’il souffre, il serait heureux s’il voyait ce que je vois. Ah ! dit-elle avec une inquiétude qu’elle ne put dissimuler, il est blessé dangereusement ?

Sa vie, répondit le comte de Canaple, dépend de ce que vous m’ordonnerez de lui dire. Mademoiselle de Mailly fut quelque temps dans une rêverie profonde ; et, sans lever les yeux, qu’elle avait toujours tenus baissés : Il vous a dit mes faiblesses, lui dit-elle ? Mais vous a-t-il confié que dans le temps que je résistais à la volonté d’un père pour me conserver à lui, il violait, pour me trahir, toutes les lois ? Vous a-t-il dit qu’il a enlevé mademoiselle de Liancourt, qu’il s’est battu avec son frère ? Que veut-il encore ? pourquoi affecter de passer des nuits sous mes fenêtres ? pourquoi chercher à troubler un repos que j’ai tant de peine à retrouver ? pourquoi attaquer M. du Boulai ? pourquoi le tuer ? pourquoi se faire des ennemis irréconciliables de tout ce qui me doit être le plus cher ? et pourquoi, enfin, suis-je assez misérable pour craindre, à l’égal de la mort, qu’il ne soit puni de ses crimes ? Oui, continua-t-elle, je frémis des liaisons que madame de Mailly prend avec M. de Liancourt, pour perdre ce malheureux. Qu’il s’éloigne ! qu’il se mette à couvert de la haine de ses ennemis ! Qu’il vive, et que je ne le voie jamais !