Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/134

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sur vous ; vous en estimerez moins mademoiselle de Mailly ; croyez, je vous en prie, qu’elle n’est point coupable : pour moi, je n’ai presque plus besoin de le penser ; je ne sais même si je ne sentirais point un certain plaisir d’avoir à lui pardonner.

Ce sentiment, qu’il eût été si nécessaire au comte de Canaple de trouver dans madame de Granson, le fit soupirer. Vous avez raison, lui dit-il, on pardonne tout quand on aime. Oui, répliqua M. de Châlons ; mais si j’aime assez pour tout pardonner, j’ai toujours trop parfaitement aimé pour avoir besoin d’indulgence. Vous vous souvenez qu’en vous contant les aventures de cette malheureuse nuit, je vous dis qu’un événement singulier m’avait obligé de sortir de Calais ; le voici :

M. de Clisson logeait dans la maison où j’étais ; comme il n’était jamais venu à la cour de France, et qu’il n’était pas à celle de Flandre lorsque j’y avais été, je n’avais pas craint d’en être connu. Nous nous étions parlé plusieurs fois, et nous avions conçu de l’estime l’un pour l’autre. Je viens, me dit-il en entrant dans ma chambre, et en m’abordant avec cette liberté qui règne parmi ceux qui font profession des armes, vous prier de me servir de second dans un combat que je dois faire ce matin. L’honneur ne me permettait pas de refuser, et la disposition où j’étais m’y faisait trouver du plaisir. Je haïssais tous les hommes ; il ne m’importait sur qui j’exercerais ma vengeance.

Je me hâtai de prendre mes armes. Nous allâmes au lieu de l’assignation ; nous avions été devancés par nos adversaires. Le combat commença, et, quoique ce fût avec beaucoup de chaleur, il finit presque aussitôt :