Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/138

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il connaissait aussi M. de Châlons ; la probité de l’un et de l’autre ne lui était point suspecte ; il ajouta une foi entière à ce que M. de Canaple lui dit de l’innocence de son ami. Il se chargea d’obtenir du roi les ordres nécessaires pour la sûreté de M. de Châlons.

Le comte de Canaple, toujours occupé de son amour, ne négligeait rien pour s’insinuer dans les bonnes grâces de M. de Vienne ; il lui rendait des soins, il voulait être aimé de ce que madame de Granson aimait ; et, quoiqu’il n’en dût attendre aucune reconnaissance, qu’elle pût même l’ignorer toujours, cette occupation satisfaisait la tendresse de son cœur. Il lui fallut plusieurs jours pour amener M. de Vienne à lui parler de ce qu’il désirait ; car, quoiqu’il se fût bien promis d’en parler lui-même, la timidité inséparable du véritable amour le retint longtemps.

M. de Vienne, un des plus fameux capitaines de son siècle, ne s’entretenait volontiers que de guerre. Il fallut essuyer le récit de bien des combats, avant d’avoir acquis le droit de faire des questions. Enfin, M. de Canaple, enhardi par la familiarité qu’il avait acquise, osa demander des nouvelles de madame de Granson. Elle est, répondit M. de Vienne, à la campagne depuis le départ de son mari. C’est sans doute à Vermanton, dit M. de Canaple ? Non, répliqua M. de Vienne, elle s’en est dégoûtée, et ne veut plus y aller ; elle veut même s’en défaire.

M. de Canaple, éclairé par son amour, sentit la cause de ce dégoût, et en fut vivement touché ; mais, comme ce lieu l’intéressait infiniment, même en l’affligeant, il voulut en être le maître. Un homme à lui fut envoyé