Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/140

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moiselle de Mailly. Elle connut qu’il était amoureux ; et, sans le lui dire, elle en fut plus disposée à prendre beaucoup d’amitié pour lui, et à lui donner sa confiance. C’était aussi pour M. de Canaple un soulagement de parler à quelqu’un dont l’âme était sensible, et qui aussi bien que lui éprouvait les malheurs de l’amour.

Cependant, M. de Châlons guérissait de ses blessures ; il avait quitté le lit ; il pressait son ami, toutes les fois qu’il le voyait, d’obtenir de mademoiselle de Mailly qu’il pût lui parler. Ce n’est que par elle, lui disait-il, que je veux démêler cette étrange aventure : je connais sa franchise et sa vérité ; puisqu’elle m’aime encore, il lui en coûtera moins de s’avouer coupable, qu’il ne lui en coûterait de me tromper.

Que me demandez-vous, dit mademoiselle de Mailly au comte de Canaple, quand il lui fit la prière dont il était chargé ? Puis-je voir un homme qui a rempli de deuil la maison de mon père ? Cet obstacle, qui n’est déjà que trop fort, n’est pas le seul qui nous sépare pour jamais. Je l’ai cru infidèle ; qu’il tâche de le devenir ; l’intérêt de son repos le demande ; et, de la façon dont j’ai le cœur fait, ce sera une espèce de consolation pour moi, de penser que du moins il ne sera pas malheureux. De quel ordre, répliqua M. de Canaple, me chargez-vous ? Songez que ce serait donner la mort à mon ami. Vous ne doutez pas que je ne sois aussi à plaindre, et peut-être plus à plaindre que lui, répliqua mademoiselle de Mailly ; dites, s’il le faut, que je ne mérite plus d’être aimée. Serait-il possible que ce fût une consolation pour lui ? Non, je ne le puis penser ; je sais, du moins, que mon cœur n’a jamais