Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/145

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si singulier, qu’il faudrait, si je l’avais, le cacher avec soin. Je vous l’avouerai encore, la passion de ma femme, dont je reçois tous les jours de nouvelles marques, m’embarrasse et ne me touche plus.

M. de Canaple, occupé si tendrement jusque-là des intérêts de madame de Granson, sentit à ce mot de passion réveiller toute sa jalousie. Le dépit dont il était animé lui faisait souhaiter que M. de Granson fût encore plus coupable. Il n’eut plus la force de désapprouver sa conduite, et il le quitta, plus fâché contre madame de Granson qu’il ne l’avait été contre lui.

Elle a donc de la passion, disait-il ! Si mon amour n’a pu la toucher, il aurait du moins dû lui apprendre le prix dont elle est, et la sauver de la faiblesse et de la honte d’aimer qui ne l’aime pas. Je lui pardonnerais, je l’admirerais même, si ses démarches n’étaient dictées que par le devoir ; mais elle aime, mais elle est jalouse ; et, tandis que je ne suis occupé que d’elle, elle n’est occupée que de la perte d’un cœur qui ne vaut pas le mien… Hélas ! sa vertu a fait naître sa tendresse ; elle est malheureuse aussi bien que moi ; avec cette différence, que je ne le suis que pour avoir donné entrée dans mon cœur à un amour que tant de raisons m’engageaient à combattre. Je ne puis être aimé ; il faut me faire une autre espèce de bonheur ; il faut parler à son mari ; il faut encore le ramener à elle ; il faut qu’elle me doive, s’il est possible, la douceur dont elle jouira.

Comme madame de Granson avait paru sensible à la perte du bracelet, M. de Canaple mit tout en usage pour le recouvrer, et y réussit. La ressemblance du portrait