Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tremblante. Aussi se hâta-t-elle de la quitter et de monter dans son chariot.

Cet instant était le premier où M. de Canaple avait ressenti quelque douceur. Il eût bien voulu se trouver seul, et en jouir à loisir ; mais M. de Châlons, qui le joignit dans le moment, ne lui en donna pas la liberté. Que vous êtes heureux, lui dit-il ! car, malgré les soupçons que vous avez fait naître aujourd’hui, je suis persuadé que vous n’aimez rien. Pour moi, je suis la victime d’une passion qui ne me promet que des peines, et que je n’ai pas même la force de combattre.

M. de Canaple ne pouvait avouer qu’il était amoureux, et ne pouvait aussi se résoudre à le désavouer ; c’eût été blesser son amour ou sa discrétion. Ne parlons point de moi, répondit-il, je suis ce que je puis, et je ne conseillerais à personne d’envier ma fortune.

M. de Châlons, plein de ses sentiments, ne s’occupa pas à pénétrer ceux de son ami. Je suis plus agité aujourd’hui que je ne l’ai encore été, lui dit-il ; la peinture que je viens de faire de mes sentiments les a réveillés et gravés plus profondément dans mon cœur. Par grâce, écrivez à mademoiselle de Mailly ; c’est une liberté qui ne m’est pas permise ; mais ce sera presque recevoir une de mes lettres, que d’en recevoir une des vôtres. Je l’occuperai du moins quelques moments ; et quelle douceur n’est-ce pas pour moi !

Le comte de Canaple était dans les dispositions nécessaires pour bien exprimer les sentiments de son ami ; mais cet ami était trop amoureux pour être aisé à contenter. La lettre fut faite et refaite plus d’une fois, et remise enfin à un homme de M. de Canaple,