Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/152

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avec ordre de la porter à Calais, et d’en rapporter la réponse.

Cependant le départ du roi était fixé, et tous ceux qui n’étaient point attachés particulièrement à sa personne voulurent le devancer, et se disposèrent à partir. M. de Canaple fut de ce nombre. La peine de s’éloigner de ce qu’on aime n’est pas, pour un amant malheureux, ce qu’elle est pour un amant aimé.

Lorsque la santé de M. de Granson lui permit de sortir de la chambre, il voulut que madame de Granson fût présentée au roi et aux reines. Sa beauté fut admirée de tout le monde. Les louanges qu’on lui prodigua augmentèrent les empressements de M. de Châtillon : il la suivait partout ; et, malgré la mode et le ton qu’il avait pris dans le monde, il lui rendait des soins assez à découvert. Madame de Granson, importunée de ses soins, de mauvaise humeur contre elle et contre l’amour, se vengeait par les rigueurs qu’elle exerçait sur lui, de ce qu’elle sentait pour son rival. Ce rival en était souvent témoin ; et, quoiqu’il fût traité lui-même avec encore plus de sévérité, elle n’était pas du moins accompagnée du dédain et du mépris dont on accablait M. de Châtillon. Madame de Granson ne put éviter les adieux de l’un et de l’autre. M. de Châtillon osa encore parler le même langage ; M. de Canaple, au contraire, ne prononça pas un seul mot.

Cette différence de conduite n’était que trop remarquée par madame de Granson. Les reproches qu’elle ne cessait de se faire tournaient au profit de ses devoirs ; elle croyait toujours ne pas les remplir assez bien. Loin d’être rebutée par le peu d’égards que