Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/158

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prêt à sacrifier sa vie pour vous défendre, et pour vous obéir.

La fierté de madame de Granson, et une certaine hauteur de courage qui lui était naturelle, lui avaient donné des forces dans le commencement de cette aventure ; mais la voix de M. de Canaple la mit dans un état bien plus difficile à soutenir que celui dont elle venait de sortir. Mille pensées différentes se présentaient en foule a son esprit : cet homme, qui l’avait outragée, qu’il fallait haïr pour se sauver de la honte de l’aimer, venait d’exposer sa vie pour elle ; et ce même homme allait à Calais, sans doute pour voir mademoiselle de Mailly.

La reconnaissance du service ne pouvait subsister avec cette réflexion, et ne laissait dans l’âme de madame de Granson que le chagrin de l’avoir reçu. M. de Canaple attendait les ordres qu’elle voudrait lui donner, et les aurait attendus longtemps, si l’écuyer de M. de Vienne, qui conduisait l’escorte, n’était venu la presser de se déterminer. Elle voulait suivre son dessein ; mais elle ne voulait pas que M. de Canaple l’accompagnât. Le secret dépit dont elle était animée ne lui permettait pas de recevoir de lui un service, qu’elle ne pouvait plus mettre sur le compte du hasard.

Votre générosité en a assez fait, lui dit-elle, monsieur ; pressez-vous d’aller à Calais, où je juge que des raisons importantes vous appellent. Il est vrai, madame, dit le comte de Canaple, que j’ai ordre de me rendre à Calais ; mais, quelque précis qu’il soit, je ne puis l’exécuter que lorsque vous serez en lieu où vous n’aurez plus rien à craindre.