Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/159

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Madame de Granson, ne pouvant faire mieux, se laissa conduire. L’état fâcheux où elle trouva M. de Granson en arrivant à Amiens, la dispensa de faire des remerciements à M. de Canaple, qui repartit sur-le-champ pour Calais.

M. de Granson avait aimé passionnément sa femme ; ce qu’elle faisait pour lui dans un temps si voisin de celui où il lui avait manqué, la pensée que la mort les allait séparer, réveillèrent sa tendresse, et lui tendant la main aussitôt qu’il la vit : Je n’étais pas digne de vous, lui dit-il ; le ciel me punit de n’avoir pas connu le bien que je possédais. Je me reproche tous les torts que j’ai eus ; pardonnez-les-moi, et ne vous en souvenez qu’autant que ce souvenir sera nécessaire à votre consolation.

Madame de Granson arrosait de ses larmes la main que son mari lui avait présentée : le repentir qu’il lui marquait la pénétrait de honte et de douleur ; elle se trouvait la seule coupable ; elle se reprochait de n’avoir pas aimé M. de Granson ; et l’erreur où il était là-dessus lui paraissait une espèce de trahison. Je n’ai rien à vous pardonner, lui dit-elle en continuant de répandre un torrent de larmes, je donnerais ma vie pour conserver la vôtre. M. de Granson voulut répondre ; mais ses forces l’abandonnèrent ; il fut longtemps dans une espèce de faiblesse dont il revint sans reprendre connaissance, et il mourut deux jours après l’arrivée de madame de Granson.

Ce spectacle, toujours si touchant, l’était encore plus pour elle par les circonstances qui l’avaient accompagné. Comme on n’était point instruit du péril