Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/168

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entendu prononcer mon nom ! il n’a point eu à me combattre dans ce cœur qu’il m’a enlevé ! et il jouit de la douceur de croire qu’il a été le seul aimé ! Ah ! je la lui ferai perdre cette douceur ; il saura que j’ai été son rival, et il le saura aux dépens de sa vie !

Ces projets de vengeance, si peu conformes à la probité de M. de Châlons, ne pouvaient être de longue durée. Il fallait s’acquitter des obligations qu’il avait à milord d’Arondel, avant que d’agir en ennemi. La guerre pouvait peut-être lui en fournir les moyens ; mais il n’était pas libre, et il ne voulait pas devoir sa liberté à son ennemi : il pouvait lui offrir la plus forte rançon ; serait-elle acceptée ? et au cas qu’elle ne le fût pas, quel parti devait-il prendre ? L’honneur lui permettait-il encore d’écouter les secrets qu’on voulait lui confier ? Il est vrai qu’il aurait par-là des éclaircissements qui importaient à son repos.

Je saurai, disait-il, ce que j’aurais tant d’intérêt de savoir ; je saurai pourquoi l’on m’a trahi. Hélas ! reprenait-il, qu’ai-je besoin d’en chercher d’autres causes, que l’inconstance naturelle des femmes ! milord d’Arondel n’a que trop de quoi la justifier. Il était présent, j’étais absent ; il a été aimé, et j’ai été oublié.

Tout le cœur de M. de Châlons se révoltait contre cette idée, et lui reprochait qu’il faisait une injure mortelle à mademoiselle de Mailly. Puis-je la reconnaître à cette faiblesse, disait-il ? Est-ce elle que je dois soupçonner de s’être laissé séduire par les avantages de la figure ? Ne sais-je pas que c’est à quelque vertu qu’elle a cru reconnaître en moi que j’ai dû le bonheur de lui plaire ?