Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/169

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L’agitation, le trouble, et les sentiments différents dont M. de Châlons était rempli, ne lui permirent de longtemps de se déterminer sur ce qu’il devait faire. La nuit entière et une partie de la journée suivante furent employées à déplorer le malheur de sa condition. Il se résolut enfin à savoir ce que milord d’Arondel avait à lui dire, à régler sur cela ses démarches ; bien résolu, quoi qu’il pût apprendre, de cacher avec soin qu’il avait été aimé. La tendresse qu’elle a eue pour moi, disait-il, est un secret qu’elle m’a confié, et qu’aucune raison ne m’autorisera jamais à violer : et il ne se rappelait qu’avec honte, qu’il avait pensé différemment dans les premiers moments de sa surprise et de sa douleur.

Le trouble où il était augmenta encore. On vint lui dire qu’une femme, conduite par un des gens de milord d’Arondel, demandait à lui parler ; elle ne fut pas plutôt introduite dans la chambre, qu’elle se jeta à genoux à côté du lit de M. de Châlons en lui présentant, de la manière la plus touchante, un enfant qu’elle tenait entre ses bras. J’ai tout perdu, lui dit-elle en répandant beaucoup de larmes ; je suis chassée de ma patrie ; j’ai laissé dans Calais mes frères, mon mari, mon père, exposés à toutes les horreurs de la guerre et de la famine ; je n’ai d’espérance que dans votre secours ; je viens vous le demander au nom de cet enfant que je vous ai conservé au milieu de tant de périls.

Les passions violentes, que les réflexions venaient en quelque façon de calmer, se réveillèrent avec un nouvel emportement dans l’âme de M. de Châlons, à cette vue : Retirez-vous, dit-il, d’un ton où la colère