Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/183

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j’en fus troublé et alarmé ; ce qu’il m’avait dit, qui aurait dû me rassurer, ne me rassurait plus ; je m’imaginais qu’on lui cachait son bonheur. Mademoiselle de Roye m’avait touché surtout parce que je l’avais crue insensible ; la découverte d’un rival aimé changeait toutes mes idées, et ne changeait pas mon cœur. Je l’avais vue jusque-là sans oser tenter de lui parler : il me parut alors que je lui devais moins d’égards et de discrétion ; et, si son départ pour le couvent ne m’en eût ôté les moyens, je crois que j’aurais poussé la folie jusqu’à lui faire des reproches.

Madame de Mailly, charmée de l’éloigner, la conduisit elle-même dans sa retraite. J’arrivai un moment après qu’elles furent parties. Mademoiselle de Mailly était en larmes : sa douleur lui arracha des plaintes que sa considération pour madame de Mailly lui avait fait étouffer jusque-là. Vous êtes attaché à elle, me dit-elle ; que ne lui inspirez-vous des sentiments plus doux ? Quelle barbarie, d’obliger cette malheureuse fille à s’ensevelir toute vive !

Les pleurs de mademoiselle de Mailly coulèrent alors en abondance. Je lui en parus si touché, je l’étais si véritablement, que je n’eus pas de peine à lui persuader qu’elle pouvait compter sur moi. Nous examinâmes ce qu’il convenait de faire ; nous conclûmes qu’elle irait le lendemain voir son amie, qu’elle concerterait avec elle la conduite qu’il faudrait tenir, et qu’elle m’en rendrait compte.

Quoique mes soupçons sur Soyecourt subsistassent, je n’en fus pas moins disposé à servir mademoiselle de Roye ; elle était trop à plaindre pour lui refuser mon