Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera malheureuse, faute de pouvoir faire des sacrifices continuels de la raison et du bon sens. Empêchons donc, lui dis-je, mademoiselle, qu’elle ne se mette dans la nécessité de faire ces sacrifices ; persuadez-la d’attendre le succès de nos soins, et obtenez d’elle qu’elle ne précipite rien.

Les choses restèrent pendant quelques jours dans cette situation. Madame de Mailly souffrait cependant impatiemment que je parlasse si souvent et si longtemps à mademoiselle de Mailly. Vous allez, me dit-elle, vous laisser séduire aux coquetteries de mademoiselle de Mailly ; songez qu’elle a des engagements avec mon fils, et que vous me manqueriez de plus d’une façon.

Il ne m’eût pas été difficile de la rassurer ; je n’étais point amoureux de mademoiselle de Mailly, et la vérité se fait toujours sentir ; mais il eût fallu, pour me bien justifier, tenir des propos aussi opposés à mes sentiments, qu’à mon caractère. D’ailleurs, la contrainte que je me faisais auprès de cette femme me devenait plus importune, à mesure que je la connaissais mieux ; et, sans les raisons qui me retenaient, j’aurais cessé de la voir.

Soyecourt était resté à Calais ; il venait toujours me conter ses peines. Je le vis entrer un matin dans ma chambre, la douleur et le désespoir peints dans les yeux. Vous m’avez vu, me dit-il, bien misérable ; vous avez vu une fille que j’adore, prête à m’être enlevée par mon oncle, et avec elle toute ma fortune ; cette même fille préférer un cloître, où je la perds pour jamais, à un établissement que je croyais qu’elle ne