Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/186

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refusait que par un sentiment de générosité qui me rendait encore sa perte plus sensible et plus douloureuse : ces malheurs sont-ils assez grands, et croyez-vous qu’il fût au pouvoir de la fortune d’en inventer d’autres pour accabler un malheureux ? elle en a trouvé le secret pour moi. Mon oncle, touché de mon désespoir, touché de pitié pour mademoiselle de Roye, a fait céder son amour à des sentiments plus dignes de lui ; il est allé, sans m’en avertir, lui dire qu’il ne consentait pas seulement à notre mariage, mais qu’il lui demandait, comme une grâce, de vouloir bien elle-même y consentir. Le refus que j’ai fait, lui a-t-elle dit, de ce que vous vouliez bien m’offrir, m’a imposé la loi de n’accepter plus rien. D’ailleurs, mon parti est pris ; ma résolution ne peut plus changer.

Mon oncle, continua Soyecourt, en m’apprenant ce que je viens de vous dire, n’a pas douté que mes discours n’eussent plus de force que les siens, et que je ne déterminasse mademoiselle de Roye en ma faveur. J’ai couru à son couvent : elle ne m’a vu qu’après des instances réitérées de la supérieure de la maison, que j’avais entretenue, et que mon extrême affliction avait mise dans mes intérêts. Vous voulez donc m’abandonner, lui ai-je dit en me jetant à ses pieds ? vous suis-je si odieux, que vous me préfériez l’horreur de cette solitude ? Pourquoi voulez-vous ma mort ? pourquoi voulez-vous la vôtre ? car vous ne soutiendrez pas le genre de vie que vous allez embrasser. Par pitié pour vous-même, prenez des sentiments plus humains. Doit-il tant coûter de se lier avec un homme que vous honorez de quelque estime, et dont vous savez bien que vous êtes adorée ?