Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/19

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et non comme un but digne de la satisfaire. Elle ne voulait de richesses que pour son frère. » L’économie, qui conserve les grandes fortunes, double les petites. Madame de Tencin épargna pour dépenser honorablement, et ses faibles moyens, bien ménagés, lui permirent de faire ce que trouve souvent impossible la prodigue opulence. Lorsque l’Esprit des Lois parut, elle en prit un nombre considérable d’exemplaires, dont elle fit des présents à ses amis. Elle fit une chose agréable à ceux-ci, et en même temps elle donna la première impulsion au succès d’un ouvrage qui devait être un des plus beaux titres de notre gloire littéraire. Tant de fois les ligues de société ont fait la fortune de livres médiocres ou mauvais ! Il faut applaudir à la femme éclairée et sensible, qui protégea un chef-d’œuvre en servant un ami. Il n’est pas en mon pouvoir de passer sous silence les deux aunes de velours qu’elle donnait pour étrennes aux hommes de lettres admis chez elle. Je n’imiterai point dans son courroux comique, le précédent éditeur des œuvres de madame de Tencin, qui s’emporte beaucoup contre l’indécence de celle qui faisait un semblable cadeau, et la vile complaisance de ceux qui l’acceptaient. « Hommes de lettres, s’écrie-t-il, vous êtes bien plus respectables sous le vêtement simple et modeste qui vous couvre, que sous le velours fastueux. Laissez aux riches ces décorations, ces vains attributs de la puissance. » Voilà, certes, une apostrophe bien pompeuse à-propos de deux aunes de velours. Ces culotte, puisqu’il faut les appeler par leur nom, ne méritaient pas de faire tant de bruit ; et, sans la célébrité des personnages,