Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ajouta-t-elle, ou vous m’allez faire mourir. Ces paroles, et l’air dont elle me parlait, qui semblait me demander grâce, me percèrent le cœur, et ne me laissaient pas la liberté de lui désobéir, quand une de celles qui m’avaient introduit vint avec beaucoup de précipitation nous annoncer l’arrivée de madame de Mailly. Elle était si près d’entrer, qu’il fallut songer à me cacher dans la chambre. Le lieu le plus propre et le seul, était une embrasure de fenêtre, sur laquelle on tira un rideau.

J’y passai l’heure la plus pénible que j’aie passée de ma vie. Madame de Mailly ne faisait pas un mouvement qui ne me fît tressaillir. Mademoiselle de Roye, pâle, interdite, et dans un état peu différent de celui de quelqu’un qui va mourir, me donnait une pitié qui augmentait encore le tendre intérêt que je prenais à elle ; j’aurais voulu racheter de mon sang la peine que je lui faisais. Mais quelle fut mon indignation, lorsque j’entendis la manière dure dont madame de Mailly lui parlait, la cruauté avec laquelle elle la pressait de prendre le voile, et tout ce qu’elle ajoutait de piquant et d’humiliant même pour l’y déterminer !

Quelque danger qu’il y eût pour moi d’être découvert dans un lieu si sévèrement interdit aux hommes, je fus près vingt fois de me montrer, de déclarer que j’offrais à mademoiselle de Roye ma main, si elle voulait l’accepter. La seule crainte de mettre un obstacle à mes projets en les découvrant me retint. Je craignais aussi de faire un éclat, toujours fâcheux pour mademoiselle de Roye, quel qu’en dût être l’événement.

Elle fut assez de temps sans parler. Enfin, faisant,