Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/189

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Mademoiselle de Roye entra peu après, sans presque m’apercevoir, sans prendre part à ce que je faisais. Elle se jeta sur une chaise, appuyant sa tête sur une de ses mains, dont elle se couvrait les yeux, et se livra à la rêverie la plus profonde. Mon saisissement était extrême ; je n’avais plus la force de profiter d’un moment si précieux. La démarche que j’avais faite me paraissait le comble de l’extravagance. Je violais l’asile d’un couvent ; je venais surprendre une fille seule dans sa chambre, pour lui parler d’une passion dont je ne lui avais jamais donné aucune connaissance. Et sur quoi lui en parler ? sur une espérance frivole, qu’elle était touchée d’inclination pour moi.

Ces réflexions m’auraient retenu, et je serais sorti sans me découvrir ; mais mademoiselle de Roye était si belle ; je la voyais si triste ; cette tristesse me peignait si vivement l’état de son âme, et les suites funestes que mademoiselle de Mailly m’avait fait envisager, que, me livrant tout entier au mouvement de mon amour, j’allai me jeter à ses pieds. Son trouble et sa frayeur furent si extrêmes, que j’eusse eu le temps de lui dire dans ce premier moment tout ce qui pouvait justifier ou du moins excuser ma démarche ; mais la crainte où je la voyais me représentait, m’exagérait même d’une manière si forte le péril où je l’exposais ; j’étais moi-même si troublé, que je pus à peine prononcer quelques mots mal articulés, et encore plus mal arrangés.

Mon Dieu ! que vous ai-je fait ? s’écria-t-elle enfin d’une voix tremblante, et avec un visage où la frayeur était peinte ; n’étais-je pas assez malheureuse ! Sortez,