Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/193

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à désirer pour assurer le bonheur d’un amant et la tranquillité d’un mari. Ses discours, ses démarches respirent la vérité ; elle ne connaît le désir de plaire, que pour ce qu’elle aime, et le seul art qu’elle y emploie, c’est celui d’aimer. Ses pensées, ses sentiments n’avaient d’objet que moi ; toujours prête à sacrifier à mes intérêts, son repos, son bonheur et jusqu’au témoignage de sa tendresse même. Jamais personne n’a mieux fait sentir le prix dont on est à ses yeux ; les inquiétudes et les jalousies, toujours inséparables de la délicatesse et de la vivacité des sentiments, ne produisent en elle ni plainte, ni reproche ; sa tristesse seule m’instruisait de sa peine ; si les choses les plus légères la faisaient naître, un mot, un rien suffisait aussi pour lui rendre la joie, et je goûtais à tout moment ce plaisir supérieur à tout autre, de faire, moi seul, la destinée de ce que j’aimais.

Le charme de nos conversations ne peut s’exprimer : nous croyions n’avoir passé que quelques minutes, lorsque nous avions passé plusieurs heures ; et, quand il fallait nous séparer, il nous restait tant de choses à nous dire, qu’il nous arrivait presque toujours de nous rappeler, je ne sais combien de fois, comme de concert. La vertu de mademoiselle de Roye mettait, à la vérité, les bornes les plus étroites à mes désirs ; mais la satisfaction de la trouver plus estimable et plus digne de mon cœur, me faisait une autre espèce de bonheur, plus sensible pour le véritable amour. J’en étais si occupé, que tout ce qui n’avait point de rapport à elle m’était insupportable. Je pouvais encore moins me contraindre auprès de madame de Mailly. Tous mes