Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit rendue coupable de cette perfidie. À tout prendre, l’excès qu’on lui reproche est bien moins contraire au véritable esprit de la société, que cette rudesse brutale et grossière, vice réel caché sous les dehors d’une vertu, qui offense celui qui en est l’objet, sans lui être utile, et nuit à celui qui l’exerce, sans que l’estime puisse le consoler de l’aversion qu’il inspire. On vantait, devant l’abbé Trublet, la douceur de madame de Tencin. Oui, dit-il, si elle avait intérêt de vous empoisonner, elle choisirait le poison le plus doux. Il est impossible de ne pas voir dans ce mot, très-spirituel d’ailleurs, une saillie d’animosité personnelle. Quelle apparence que l’abbé Trublet ait seul découvert dans madame de Tencin, à travers l’aménité de ses discours et de ses manières, ce fonds de noirceur qui l’aurait rendue si dangereuse ? Et enfin, dans sa vie publique et privée, quelle action, quel propos vient à l’appui d’un mot cruel ? Pour l’honneur seul de l’humanité, croyons que l’amie de Fontenelle, si recommandable par la douceur et la sûreté de son commerce, de Montesquieu, dont la vertu n’est pas plus contestée que le mérite, et de tant d’autres encore qu’on pourrait citer avec honneur après eux, ne fut point indigne de leur amitié. Est-ce trop prétendre, en effet, que d’opposer à une parole sans preuve, que des motifs de haine vains et passagers ont peut-être surprise à son auteur, cet attachement constant de tant d’hommes bons et éclairés, attachement que les agréments de la personne et de l’esprit peuvent avoir fait naître, mais que les qualités de l’âme ont pu seules rendre durable ? Duclos, qu’il serait odieux de croire moins lorsqu’il loue madame de