Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/22

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Tencin, que lorsqu’il révèle les torts de sa conduite, assure qu’elle était très-serviable, et amie vive autant qu’ennemie déclarée : ce dernier trait est décisif contre ceux qui l’ont taxée de duplicité.

Duclos parle aussi de son esprit : « On ne pouvait, dit-il, en avoir davantage, et elle avait toujours celui de la personne à qui elle avait affaire. » Douée de beaucoup de finesse et de vivacité, entourée continuellement d’hommes aimables et spirituels, dont les saillies ou les réflexions provoquaient les siennes, il n’était pas possible qu’il ne lui échappât soit des mots piquants, soit de ces traits d’observation ou de sentiment qu’on rencontre si souvent dans ses ouvrages : on en a retenu quelques-uns ; je n’en citerai que deux. Les gens d’esprit font beaucoup de fautes en conduite, disait-elle, parce qu’ils ne croient jamais le monde assez bête, aussi bête qu’il l’est. On sait que la principale qualité de Fontenelle était la modération, et qu’il ne se piquait nullement de cette chaleur de sentiment qui est presque toujours le principe de nos actions généreuses, et la source de nos malheurs. Madame de Tencin lui dit un jour en lui posant la main sur le cœur : Ce n’est pas un cœur que vous avez là, mon cher Fontenelle, c’est de la cervelle comme dans la tête. Le philosophe se reconnut dans ce mot, et ne s’en formalisa point.

Quoique l’exemple de beaucoup de poètes dramatiques et de romanciers prouve sans réplique que, pour bien peindre les passions, il n’est pas absolument nécessaire de les avoir ressenties, et qu’il suffit d’en avoir observé les effets dans les autres, toujours est-il cer-