Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/219

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accompagné, l’attendaient pour le reconduire chez M. de Vienne. Sa marche, qui était une espèce de petit triomphe, fut interrompue par un habitant, nommé Eustache de Saint-Pierre, dont l’état ne paraissait pas au-dessus de celui d’un simple bourgeois, et qui, après avoir percé la foule, vint embrasser le comte de Canaple. Vous m’êtes donc rendu, mon cher fils, lui disait-il ! le ciel a été touché de mes larmes ; je vous revois, et vous êtes le libérateur de notre patrie ! Quel père, après avoir été si misérable, a jamais été si fortuné !

L’étonnement de M. de Canaple, qui ne comprenait rien à cette aventure, donna le temps à ce bonhomme, vénérable par ses cheveux blancs, de l’examiner plus à loisir ; et, se prosternant presque à ses pieds : Je vous demande pardon, monseigneur, lui dit-il ; une assez grande ressemblance a causé le manque de respect où je viens de tomber. Je ne le vois que trop ; vous n’êtes point mon fils ; je vous prie d’oublier que je vous ai donné un nom si peu digne de vous. Hélas ! ce moment vient de rouvrir mes plaies, que le temps commençait à fermer.

Le comte de Canaple, touché de son affliction, le releva avec bonté, et l’embrassa comme s’il avait été véritablement son père. Ne vous repentez point, lui dit-il, de m’avoir appelé votre fils : je veux à l’avenir vous en tenir lieu ; la nature n’aura pas mis en vain cette ressemblance entre nous ; et, l’embrassant de nouveau, il le congédia, et alla rejoindre M. de Vienne.

Madame de Granson ne parut point le reste de la journée. Cette continuation de rigueur désespérait le