Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/239

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Ah ! seigneur, s’écria madame de Granson, ordonnez du moins que je meure le premier ! et, se traînant aux genoux de la reine qui entrait dans ce moment dans la tente du roi : Ah ! madame ! ayez pitié de moi ! obtenez cette faible grâce. Suis-je assez coupable pour être condamné au plus cruel supplice, pour voir mourir celui qui ne meurt que pour me sauver !

Sa fermeté l’abandonna, en prononçant ces paroles ; elle ne put retenir quelques larmes. La reine, déjà touchée du sort de ces malheureux, et qui venait dans le dessein d’obtenir leur pardon, fut attendrie encore par le discours et par l’action de madame de Granson, et se déclara tout à fait en leur faveur. La gloire qu’elle avait acquise par le gain de plusieurs batailles, et par la prise[1] du roi d’Écosse, la mettait en droit de tout demander ; mais Édouard, toujours inflexible, ne répondit qu’en ordonnant à un officier de ses gardes de faire hâter le supplice des prisonniers.

Cet ordre, qui ne laissait plus d’espérance à madame de Granson, rappela tout son courage. Se relevant des genoux de la reine où elle était encore, et regardant Édouard avec une fierté mêlée d’indignation : Hâtez-vous donc aussi, dit-elle, de me tenir parole, et faites-moi conduire à la mort : mais sachez que vous allez verser un sang assez illustre pour trouver des vengeurs.

La grandeur d’âme a des droits sur le cœur des

  1. Bruce, roi d’Écosse, avait fait une irruption en Angleterre pendant qu’Édouard était en France. Il fut défait et pris par la reine d’Angleterre, qui se mit à la tête des troupes qu’elle avait rassemblées à la hâte.